L'économie chinoise n'affiche plus les incroyables niveaux de croissance annuels de ces dernières années. Son secteur industriel est particulièrement affecté par ce recul. Pour qualifier cette situation, les quotidiens de la presse économique hésitent entre « désespérée » et « totalement désespérée ».
Notre étude laisse pourtant penser que la situation n'est pas aussi grave qu'elle peut paraître, notamment pour les entreprises occidentales souhaitant attirer la classe moyenne chinoise via le commerce en ligne. (Nous y reviendrons.) Il est certain qu'on peut difficilement contester le fait qu'après 40 ans d'une croissance vertigineuse, l'économie chinoise n'atteint plus ces chiffres exceptionnels.
Pour contrer ce déclin, et permettre à des dizaines de millions de travailleurs chinois de conserver leur emploi, le gouvernement met en place des mesures pour relancer la croissance. Lundi, il a proposé des mesures favorisant les exportations des entreprises chinoises. Cette politique, incluant notamment un accès plus facile aux prêts bancaires et des taux d'assurance plus favorables pour les exportateurs, vise à regagner des parts de marché après les mauvais chiffres du secteur export, le mois dernier.
L'économie mondiale, qui est dans une période relativement calme (en comparaison des quatre dernières décennies de croissance phénoménale en matière d'exportations), ne facilite pas les choses. Et la concurrence de plus en plus forte des autres marchés asiatiques est aussi un obstacle.
Des difficultés de toutes parts ?
En effet, le message du Conseil d'état du gouvernement de lundi avait un ton quelque peu désespéré : « Actuellement, le commerce mondial se trouve dans une situation d'austérité, les signes d'incertitude et d'instabilité se font grandissants et les pressions en aval de plus en plus présentes, » a-t-il déclaré.
Autre mauvaise nouvelle : une récente enquête du Wall Street Journal a révélé que la Chine continuait à produire de l'acier, de l'aluminium et d'autres produits industriels de base afin de maintenir l'activité d'usines non rentables, alors que cette situation a conduit à une saturation de matériaux extrêmement bon marché sur le marché mondial. Cela affecte grandement les concurrents et provoque des pertes d'emploi dans d'autres pays, notamment aux États-Unis.
Le récent édito publié dans le New York Times par l'écrivain chinois Murong Xuecun suggérait que la classe moyenne chinoise était de plus en plus inquiète. Les réseaux sociaux locaux se font le relais de cette inquiétude. On a vu apparaître ce titre dans un fil de discussion : Les 10 angoisses de la classe moyenne. Un autre titre : La classe moyenne : les futurs nouveaux pauvres ?.
« L'insécurité économique ne fait qu'ajouter à la liste des inquiétudes quotidiennes, avec la pollution ou l'eau et la nourriture contaminées, » écrit Xuecun...« (...) Les discussions sur les moyens de sortir l'argent du pays ou de le convertir dans une devise étrangère sont devenues courantes. »
Une perspective différente
On comprend parfaitement que la presse économique traite à longueur de pages de ce recul économique. Mais il faut également rappeler que l'an dernier, l'économie chinoise a encore affiché un impressionnant taux de croissance de 6,9 %. (À l'inverse, l'économie des États-Unis a progressé de 2 %, si l'on compare le 1e trimestre 2015 au 1e trimestre 2016. L'Allemagne a progressé de 1,7 %.) Comme le prédisaient de nombreux analystes, l'essentiel de cette croissance provient des dépenses des ménages. Les revenus des ménages urbains ont progressé de près de 10 % en Chine l'année dernière. Le programme de transition à long terme du pays qui souhaite passer du stade industriel à une économie de services à forte valeur ajoutée porte ses fruits : le pays a créé 13 millions d'emplois l'an dernier, essentiellement dans le secteur des services. Ce chiffre dépasse l'objectif de 10 millions annoncé par le gouvernement, expliquait récemment Forbes.
Et cette hausse des créations d'emplois ne concerne pas seulement 2015. Le secteur des services a progressé de presque 8 % au cours du premier trimestre de cette année.
Nous en avons discuté avec Eric Watson, stratège international spécialisé dans le commerce en ligne au sein de l'équipe Global Growth chez MotionPoint. La Chine reste-t-elle un eldorado pour les entreprises occidentales qui souhaitent se développer et vendre, notamment en ligne ?
« Absolument, surtout si vous regardez les perspectives à long terme de l'économie chinoise, » affirme Eric. « Il y a plusieurs indicateurs positifs, même à court terme. »
De la croissance, encore et partout
D'abord, la consommation est en hausse, explique Eric. Le géant de la distribution chinois Alibaba dépassera bientôt Walmart au rang de premier distributeur mondial grâce à l'incroyable niveau de croissance de sa centrale de ventes en ligne Tmall et de ses autres plateformes de e-commerce. L'an dernier, les consommateurs chinois ont dépensé près de 500 milliards de dollars sur le site et dans les services Alibaba. Ses ventes ont augmenté de près de 40 % au 4e trimestre 2015 et ses profits de plus de 80 %.
L'essentiel de cette croissance est liée à une « hausse de consommation récente », soulignait le China Daily au mois de mars. « Les achats en ligne ont été un élément moteur de cette consommation, » expliquait un analyste au journal, « ce qui correspond à la stratégie nationale de promotion de la demande intérieure. »
Au-delà d'Alibaba, le total des ventes au détail a augmenté de 10,6 % au mois de mars, légèrement au-dessus des prévisions. Cette croissance dépasse le taux de 10,2 % relevé en janvier et février.
« Ces chiffres sont impressionnants, mais ils prennent tout leur sens lorsqu'on les applique à l'ensemble de la population de la Chine, » dit Eric. « N'oubliez pas que pour l'instant, nous n'avons vu qu'une toute petite partie du potentiel de consommation de la Chine. En plus de la hausse rapide des ventes au détail, on peut observer ce potentiel dans la pénétration Internet, surtout lorsque l'on voit le nombre de personnes qui ne sont pas encore sur Internet. »
Actuellement, environ la moitié des 1,3 milliards de Chinois a accès à Internet, explique Eric. (Les pays développés de l'est asiatique que sont le Japon et la Corée du Sud ont des taux de pénétration respectifs de 91,1 % et de 85,7 %.)
Même avec un taux de pénétration Internet d'environ 50 %, cela représente néanmoins près d'un cinquième des utilisateurs d'Internet dans le monde. Et ce niveau augmente : le niveau de pénétration d'Internet en Chine a progressé de plus de 11 % depuis 2013.
Tout ne va pas si mal
Revenons quelques instants sur la classe moyenne chinoise. Elle s'étend, mais n'est pas encore bien établie. Seulement 11 % de la population est considérée comme faisant partie de la classe moyenne, selon Goldman Sachs. Pourtant, les ménages chinois ont accumulé un total de réserves nettes en liquide de plus de 4,6 billions de dollars, annonçait récemment Forbes. Les inquiétudes exprimées par la classe moyenne et relayées par l'article du New York Times cité plus haut, sont tout à fait naturelles et étaient prévisibles, explique Eric.
« Ces inquiétudes sont tout à fait justes, poursuit-il, mais ce sont aussi les mêmes inquiétudes qu'exprimerait une tranche de population nationale totalement nouvelle, c'est-à-dire des gens qui atteignent un niveau de confort et de consommation jamais connu au cours de leur existence. »
A long terme, il semble presque évident que les désirs d'une nouvelle classe moyenne chinoise, qui vit presque exclusivement dans des zones urbaines, souhaite acheter des produits internationaux et voyage à l'étranger de plus en plus, va aller à contre-courant du système politique et économique qui est encore en train de s'adapter à ces aspirations nouvelles. Si ces citoyens ont le sentiment qu'ils vont être affectés par la chute de l'économie, ils vont naturellement réduire leurs dépenses.
« Ces annonces d'instabilité sont largement infondées, notamment parce que le système politique et économique en place est responsable de la prospérité et de la croissance qui a cours, » explique Eric. Les rapports suggèrent que la moitié de la classe moyenne chinoise est employée par des organisations gouvernementales ou des entreprises d'Etat.
En effet, comme le faisait remarquer Xuecun dans son article du New York Times, « ils affirment que la cause de leur mécontentement, c'est le système du parti unique, mais en même temps ils apprécient aussi que ce système leur offre une existence confortable. »
La croissance rapide de la classe moyenne chinoise, cumulée à plusieurs décennies vers la consommation, et le développement d'une économie de services visant à alimenter cette croissance, mèneront sans le moindre doute à des périodes de stagnation et des périodes d'inquiétude. La perfection n'existe pas, affirme Eric.
« Mais les entreprises envisageant de se développer en Chine, notamment en ligne, doivent se concentrer sur la croissance de la consommation personnelle, les revenus et les changements des goûts. Ainsi, ils verront que l'appétit de consommation est bel et bien présent, » souligne-t-il. « Lorsqu'on voit la performance de distributeurs comme Alibaba et le taux de pénétration d'Internet en progression constante, il apparaît clairement que la consommation de ce marché n'en est qu'à ses débuts. »
Résultat : l'économie chinoise ne progresse peut-être plus aussi rapidement que lors des décennies précédentes, ce qui est un indicateur évident du transfert de l'industrie vers une économie de services. Mais le développement du secteur des services génère des créations d'emplois et un développement de la consommation. En dépit d'une période de navigation en eaux troubles, la Chine reste un choix valable à court et à long terme pour se développer en ligne à l'international.
Dernière modification : 12 mai 2016