Le 23 juin, les Britanniques seront invités à participer à un référendum afin de décider si le Royaume-Uni doit sortir de l'Union européenne.
Cette sortie de la Grande-Bretagne, communément désignée sous le terme de « Brexit », est un sujet qui fait l'objet de débats très animés et dont les conséquences pèseront sur l'économie britannique si cette sortie venait à être entérinée.
Comment cet événement pourra-t-il affecter de nouvelles industries en ligne comme le e-commerce de détail ? Nous avons examiné nos propres données et découvert certaines analyses clés édifiantes, notamment pour les entreprises investies dans le commerce en ligne.
Mais avant de poursuivre, revenons sur le contexte. D'ailleurs, c'est quoi le Brexit ? La conversation autour de ce thème est de plus en plus animée, mais quelles que soient les perspectives sur le sujet, elles sont plutôt tranchées.
Les partisans du Brexit estiment que la taille de l'UE et sa bureaucratie ont réduit l'influence de la Grande-Bretagne et levé une innombrable quantité d'obstacles économiques au niveau local, comme les zones de pêche particulièrement contestées. Les partisans souhaitent aussi « réaffirmer l'identité nationale face à la montée de l'immigration, » affirmait récemment une analyse parue dans le New York Times. (Les citoyens de l'UE ont le droit de résider et de travailler dans d'autres Etats membres.)
De nombreuses voix s'élèvent aussi pour affirmer que la contribution annuelle nette de 12,9 milliards de Livres au budget européen est un facteur déterminant.
Mais les commentateurs pro-UE affirment que rester dans l'UE permettrait de préserver l'influence du Royaume-Uni et sa sécurité sur la scène mondiale. Sortir de la communauté européenne dévasterait l'économie britannique, un avis partagé par de nombreux économistes. (En effet, la Livre a connu un son taux le plus bas en sept ans en février, un signe annonciateur de l'incertitude entourant cette ambiance de Brexit.) Le Fonds Monétaire International a prévenu mardi dernier dans un communiqué que le Brexit « créerait des tensions majeures à la fois pour le Royaume-Uni et le l'Europe toute entière ». Des banques internationales dont Goldman Sachs annoncent que le Brexit aurait pour conséquences une perte d'emplois et la délocalisation de leurs sièges au Royaume-Uni.
Même les partisans de la sortie de l'UE admettent que la croissance en serait affectée pendant les 15 prochaines années.
Si la Grande-Bretagne vote la sortie de l'Union européenne, une période de négociations de deux ans sera mise en place pour aborder les futures relations du Royaume-Uni avec l'UE, en particulier au niveau des relations commerciales. Les économistes préviennent que dans le cas où le Royaume-Uni continuerait de collaborer commercialement avec l'UE, il serait dépassé par les règles tarifaires et autres mesures économiques.
Mais pour revenir au thème du commerce en ligne et son chiffre d'affaires, il est clair que le Brexit aurait un impact sur le e-commerce, un secteur qui contribue en grande partie à la réussite de l'économie britannique.
L'an dernier, le Royaume-Uni a généré à lui seul un chiffre d'affaires de 60 milliards de Livres sterling dans le secteur B2C des ventes en ligne. Des projections datant de septembre dernier suggéraient que « le Royaume-Uni resterait le leader mondial en termes de part du total des ventes au détail de e-commerce, » selon eMarketer, qui ajoutait que la part mondiale des ventes de e-commerce du Royaume-Uni allait passer de 14,5 % en 2015 à 19,3 % d'ici 2019.
Les marchés d'Europe de l'Ouest représentent actuellement plus de 50 % des exports pour le e-commerce britannique.
Mais ces projections et ces pourcentages seraient clairement revus à la baisse en cas de Brexit. Mais dans quelle proportion ? Nous en avons récemment discuté avec Erdem Tokmakoglu, stratège en économie électronique mondiale, qui fait partie de notre équipe Global Growth.
Erdem a étudié la performance Web de plusieurs sites britanniques d'articles de mode que nous avons localisés. Les distributeurs d'articles de mode sont souvent plus exposés aux risques liés aux flux économiques, en raison de l'adoption de droits de douanes, de règles tarifaires ou d'une hausse des coûts (liée à la dépréciation de la livre).
« Après avoir pris en compte les facteurs de saisonnalité annuels et prévisibles des sites de e-commerce de mode britannique que nous opérons, » explique Erdem, « nous avons déjà vu le mois dernier une réduction moyenne de 1 % des visiteurs en ligne, lorsque le dialogue sur le Brexit a fait la une des journaux. »
À ce stade, il ne s'agit qu'un mauvais passage avec une perte de visites et de revenus, mais cela reste néanmoins une perte d'activité. Erdem souligne à juste titre que cette fluctuation reflète uniquement la réaction du marché à l'annonce du Brexit et non le Brexit lui-même.
Si le retrait se confirme en juin, les revenus diminueront sur la base des modèles établis par le CEP (Centre for Economic Performance) de la London School of Economics and Political Science. Dans ces modèles, les hausses des coûts des échanges commerciaux entre le R.-U. et l'UE pourraient d'emblée réduire le revenu du Royaume-Uni de 1,1 % à 3,1 % du PIB ou à hauteur de 50 milliards de Livres sterling.
Néanmoins, ces pertes prévisionnelles sont « établies sur un modèle commercial conventionnel statique qui ne prend pas en compte les effets dynamiques des échanges sur la hausse de productivité, » prévient le CEP. « Une récente étude souligne que les effets dynamiques peuvent doubler voire tripler la taille des effets statiques. »
Une référence établie par MotionPoint pour les distributeurs de mode britannique indique que 50 % du trafic des sites britanniques provient des marchés de l'UE, notamment la France (24 %), l'Allemagne (14 %), l'Italie et l'Espagne. Le sort du e-commerce du Royaume-Uni est donc étroitement lié aux marchés de l'UE.
Nous avons appliqué le scénario le plus optimiste du CEP (une baisse statique de 1,8 % des conversions) aux références des distributeurs d'articles de mode britanniques de MotionPoint. Pour un distributeur en ligne affichant modestement 5 millions de sessions annuelles et un panier moyen de £50, une réduction de 1,8 % à partir d'un solide taux de conversion sur site de 3 % pourrait avoir pour résultat une différence de £135 000 par rapport à sa valeur initiale.
Les sites ayant un trafic supérieur et un panier moyen plus élevé subiraient des pertes proportionnelles à cette règle.
Cette projection exclut aussi les effets dynamiques soulevés par le CEP, ce qui pourrait tripler ces pertes.
« Une autre source de perte importante est liée à l'apparition des règles et des réglementations, » explique Erdem. « Nous avons observé que les clients du e-commerce des marchés étrangers sont extrêmement sensibles aux limites tarifaires, c'est-à-dire à la valeur maximale que vous êtes prêt à dépenser avant d'avoir à payer un coût supplémentaire lié à l'importation de l'article. »
Nous estimons qu'en cas de Brexit, les consommateurs européens dépenseront probablement moins sur les sites de e-commerce basés au Royaume-Uni. Nous pouvons essayer d'imaginer l'impact de cette sensibilité en examinant le comportement des clients sur d'autres marchés étrangers, indique Erdem.
Prenons l'exemple de la Corée du Sud. En raison de produits locaux aux tarifs prohibitifs, les Coréens achètent beaucoup sur les sites occidentaux. Ils suivent les soldes sur ces sites et profitent de remises pour optimiser leur pouvoir d'achat.
« Ce qui est remarquable, cependant, c'est que même pendant les périodes de soldes où les remises sont au plus haut, le prix total de leurs achats est proche du niveau permettant de ne pas atteindre le seuil d'importation gratuit, mais ne le dépasse jamais » explique Erdem. « Le plafond douanier a donc limité le montant des achats des consommateurs sud-coréens sur les sites britanniques. Nous prévoyons donc un effet comparable chez les clients européens. »
Conclusion : « Selon nous, le Brexit affectera le e-commerce des sites de mode britanniques, » affirme Erdem. « Le coût pour les distributeurs britanniques grandira en proportion avec le niveau d'incertitude. Les coûts seront limités si le Royaume-Uni signe rapidement un accord de libre-échange avec l'UE et les autres grandes économies mondiales. Mais même si cela arrivait, le pays subirait des pertes financières. »
Dernière modification : 18 avril 2016